Qu'est-ce qu'aimer ?
«Aimer c'est donner ce que l'on a pas à quelqu'un qui n'en veut pas...» Jacques LACAN
Aimer, le terme paraît si familier...
J'aime ma femme au même titre que j'aime
les éclairs au chocolat... ? Le mot est usité dans nombre de contextes...
On
aime, on aime pas... Passons la définition du dictionnaire. Et lorsqu'on
y réfléchit
réellement,
a-t-on une définition de ce terme ? On évoque des sentiments,
des sensations, des émotions... rien de bien concrêt en fait. Pourtant
chacun de
nous utilise ce terme dans la vie quotidienne. Un homme a besoin de se sentir
aimé, une femme également, mais le besoin réside dans le
simple fait de
prononcer cette phrase : «je t'aime». Populairement, il est dit
que lorsque l'on
sait pourquoi on aime quelqu'un, le sentiment n'est plus. J'aime... je ne sais
pas pourquoi... et c'est pour cela que j'aime.............
Du côté de la psychanalyse le sentiment
amoureux, aimer plus précisément nous am
ène
à d'autres chemins, plus ternes, moins «beaux»
peut être...
Prenons un homme et une femme. Ils s'aiment.
Mais qui aime qui ? L'homme aime la
femme parce qu'elle lui renvoit une image de lui qu'il aime. Ce n'est pas
l'autre que l'on aime mais soi au travers de l'autre. Egoiste ? Non ! Ré
ciproquement
la femme aimera l'autre en fonction de cette image qui lui plait
à
recevoir de l'homme. On en revient au phénomène du miroir. L'autre
est un miroir
de soi, il nous renvoit une image, bien souvent inconnu, inconsciente
pourrait-on dire..............
Il y a bien sûr «plaire» au
sens physique. Une femme plait à un homme parce
qu'elle rentre dans les critères de beauté qu'il a lui-même
developpé au cours
du temps, depuis sa toute petite enfance pour être plus précis.
D'aucun verront
des critères élaborés sur le modèle de sa mère,
mais le sujet n'est pas là.
La
femme qui plait, donc, sur des aspects purement physique, représente
une
projection réelle d'une image façonnée à l'intérieur
de soi. Plus la femme que
l'on regardera se rapprochera de ce «portait-type» plus l'homme
sera attiré par
elle. La réciproque est une fois plus vraie à l'égard de
la femme à l'encontre
d'un homme........
Lorsque les êtres se rapprochent, physiquement,
je parle alors de proximité sans
contact, rentre en compte des phénomènes hormonaux : phéromones
et autres...
Lorsqu'un dialogue s'enclenche, on «apprend» à connaître
l'autre. En vérité, on
vérifie que l'autre répond bien à certains critères.
Ceux-ci, au-delà de
l'aspect physique, sont aussi créés au cours du temps. Ils correspondent
à une
image de soi transposée dans l'autre sexe. Un homme de forte corpulence
pourra
être attiré par une femme très mince ou se rapprochant de
son propre physique,
tout dépend de la projection de soi qu'il a effectué dans son
«image» de lui féminine.
Pour s'aimer soi, il faut d'abord aimer l'autre
Autrement dit, et même si cela semble
choquer, si un homme est attiré par une
femme, c'est avant tout parce que la réciproque est vraie. La nature
est quelque
fois bien faite, inconscient, on ne rapproche jamais d'une personne à
qui on ne
pourrait renvoyer un sentiment identique à celui que l'on perçoit.
Jamais, dans
le sens où la névrose de l'individu ne consiste pas justement
à être attiré par
des chimères, où le masochisme de la rencontre n'est pas présent.
Quant une
femme se sent attirée par un homme et que dans le quotidien rien ne se
fait pour
que les deux êtres se rapprochent, c'est qu'il y a erreur de la démarche.
Bien
souvent, l'individu réfléchit à comment approcher l'autre,
comment plaire à
l'autre. Faire les choses en fonction de l'autre conduit en général
dans une
impasse. Si j'offre des fleurs parce que je sais qu'elle aime les fleurs, alors
qu'il ne s'agit pas d'une envie profonde m'appartenant, le résultat risque
d'être décevant. Pourtant c'est la démarche de la majeure
partie des gens. Pour
que le NOUS existe, il faut d'abord privilégier le JE. S'écouter
soi, ses envies
par rapport à l'autre, se faire plaisir au travers de l'autre. Si mon
envie
consiste à offrir une boîte de ravioli à celle que je «postule»,
c'est cette
envie qu'il faut suivre sans se soucier de la réaction de l'autre. A
trop «se
mettre à la place de l'autre», à chercher à comprendre
comment va réagir
l'autre, on en oublie le principal : soi. Soi et sa propre existence peuplée
de
désirs de l'autre. Or si l'on raisonne avec ce phénomène
de miroir, si je fais
en fonction de l'autre je ne renvois aucune image, celle susceptible justement
de «convenir» à l'autre, de plaire. La démarche doit
être entièrement
personnelle, ne penser qu'à soi parce que précisément l'autre
entreprend la même
démarche, et ce sont ces deux combinés qui permettent le rapprochement.
Le NOUS
est une addition de deux JE et non pas chacun des JE faisant en fonction de
l'autre. Chacun doit garder sa personnalité propre, le JE ne doit pas
devenir un
JEU censé séduire voire capturer l'autre. Ce type de relation
ne mène en général
guère loin.
Lorsque les couples se défont, c'est
que l'une des images, et bien souvent les
deux, renvoyés par chacun ne «conviennent» plus. L'image
de soi renvoyée par
l'autre ne correspond plus à soi. Il y a donc rupture dans tous les sens
du terme...
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A propos de l'auteur: François Bonifaix