Donc, je ne peux absolument pas
me séparer de ce qui se passe là dehors, ni de ce qui se passe dedans.
S'il n'y a pas de séparation de ce que vous êtes en train de regarder,
vous ne pouvez distinguer ce qui se déroule dehors de ce qui se déroule
dedans. Il n'y a ni intérieur, ni extérieur ici. L'œil physique ne regarde
pas cela comme étant " blanc ", ni jamais il dit " c'est foncé ". Les
perceptions sensorielles ne traduisent absolument rien au sujet de ce
qui se déroule là dehors ou ici en moi. Donc, je ne peux en aucune façon
me séparer de ce que j'observe là dehors ou là dedans, en moi. Je peux
dire : " Ceci est moi ", " Cela n'est pas moi " ; " Je suis heureux ",
" Je suis malheureux " ; " Je suis avare ", " Je ne suis pas avare " ;
" Je suis jaloux ", " Je ne suis pas jaloux ". Ils ne représentent rien
pour moi.
Question : Alors, n'avez-vous aucune identification avec ce qui
se passe dans votre vie de tous les jours ?
U.G. : Non, je n'aime pas utiliser le mot identification. Je ne
traduis jamais ce qui se passe afin de cadrer avec ce que je sais. Le
besoin ne se présente que lorsqu'une demande survient du dehors. Les actions
ne surviennent jamais d'elles-mêmes. C'est quelque chose d'automatique.
Pour une raison ou une autre, dans la relation de cause à effet, l'espace
entre les deux n'opère pas tout le temps. Ainsi, lorsqu'une demande se
présente, je peux ensuite dire que cela est vraisemblablement la cause
de ceci, et que ceci est le résultat de cela, mais en réalité, il n'y
a aucun espace entre cause et effet. Donc, l'instrument que nous utilisons,
qui est la pensée, ou même différentes pensées, naît de la relation de
cause à effet, et il vous est impossible de comprendre quoi que ce soit
sans créer l'espace entre la cause et l'effet.
Par exemple, la mort n'est qu'en soi un concept. Le corps ne sait pas
qu'il est en vie en ce moment et vous ne serez pas là pour présider votre
propre mort. Donc, concrètement parlant, je ne peux en aucune façon me
dire que je suis en vie, ni savoir que je suis vivant. Si vous me demandez
: " Êtes-vous vivant ou mort ? " Je répondrai certainement par : " Je
suis vivant. " Pourquoi dirais-je cela ? Je dis que je suis vivant en
raison de ce que les physiologues m'ont appris et de ce que les docteurs
nous disent. Comme je suis capable de parler et de réagir, ils en concluent
que je suis un être vivant. Cela constitue le savoir commun transmis à
chacun de nous, mais en aucune façon je peux faire l'expérience du fait
que ceci est un organisme vivant. Impossible. Ainsi, lorsqu'il sera mort,
il en sera fini de notre connaissance accumulée.
Nous ne nous intéressons qu'à une seule chose : " Comment ? " Tout le
monde demande : " Comment ? ". " Comment " devrait être supprimé de toutes
les langues ! " Comment ? " signifie que vous voulez savoir. En sachant
de plus en plus de choses, vous maintenez la continuité de ce savoir.
Par conséquent, vous refusez qu'il prenne fin, voyez-vous. Nous en savons
beaucoup, pourtant nous posons tous constamment cette question " Comment
? ".
Question : Saviez-vous ce que vous recherchiez quand vous étiez
jeune ?
U.G. : J'étais en réalité et dans les faits à la recherche d'un
homme comme moi, qui est ici maintenant. Quand je dis : " Comme un homme
comme moi ", vous allez me lancer la question : " Savez-vous ce que vous
êtes ? " Quelque chose vaguement de ce genre. Donc, il m'a fallu rejeter
tout le monde, vous voyez. Ce n'est pas que je me sois dis que j'étais
à la recherche d'un homme comme ce type assis ici, mais lorsque je me
suis dit sincèrement : " C'est celui que tu cherches ", il a alors disparu,
complètement et entièrement.
Un jour, je me suis dit : " Pourquoi ai-je gaspillé quarante neuf foutues
années de ma vie à vouloir être éveillé ? " Je me suis ensuite dit : "
Maintenant tu es un éveillé. Tu es dans le même état que tous ces maîtres
spirituels : Bouddha, Jésus, tous. " Ceci m'a frappé si fort : " Jusqu'à
hier, tu te disais vouloir être un éveillé comme tous ces gens. Maintenant,
tu es en train de te dire que tu es éveillé et que tu es au même niveau
que tous ces maîtres spirituels. " J'en ai été littéralement sonné. Je
me suis alors dit : " Ce sont eux, les maîtres qui te disent que toi,
tu n'es pas éveillé puisqu'ils m'ont transmis le savoir au sujet de la
façon dont fonctionne un éveillé. En fait, c'est ce même savoir qui m'informe
aujourd'hui que je suis un éveillé. Donc, cette expérience n'a rien de
spécial. " Je me suis demandé : " Alors, comment peux-tu jamais savoir
que tu es un éveillé ? " Ensuite, ce questionnement a déclenché un genre
de tourbillon. Il s'est poursuivi : " Comment pourras-tu savoir si
tu es dans le même état que tous ces gens ? " Ça s'est poursuivi
sans discontinuer pendant quinze minutes, jusqu'à ce que ça s'arrête net.
Ce qui me restait, en fait, je n'en sais rien du tout. Que me reste-t-il
maintenant ? Je ne dis pas cela par modestie. Je ne peux tout simplement
pas me demander : " Qui es-tu ? Qu'est-ce que tu es ? Qu'y-a-t-il ici
? ".
Question : Pourriez-vous dire qu'il ne manquait plus quelque chose,
que l'impression de devoir découvrir quelque chose avait disparu ?
U.G. : Rien, voyez-vous.
Question : Ainsi, c'était complet ?
U.G. : C'était fini. Ensuite, la chose la plus étrange se produisit
à partir de ce moment : Les sens prirent le dessus. J'ai ainsi découvert
la façon dont les sens opèrent véritablement. Il n'y avait aucun transmetteur
intermédiaire que ce soit, qui puisse dire : " Ce soleil est beau " ou
" Il fait sombre " ou " Ceci est dur, ceci est mou ". Je regardais une
vache dans le champs, et demandai à Valentine, alors assise sur le banc
à côté de moi : " Qu'est-ce que c'est ? ". Elle répondait :
" Une vache ". Puis, cinq minutes plus tard, tel un enfant, je lui demandais
à nouveau : " Valentine, qu'est-ce que c'est ? " Elle en était dégoûtée
: " Combien de fois dois-je te dire que c'est une vache ? Ne le sais-tu
pas ? " Voyez-vous, au début j'étais intrigué. Je ne savais même pas ce
que c'était. Aujourd'hui je suis dans la même situation et je ne sais
jamais ce qu'est ce que je regarde. Si vous me demandez : " Qu'est-ce
? " Je répondrais : " C'est une vache ".
Question : Mais quand les pensées vous venaient à l'esprit, est-ce
que tout ...
U.G. : Une différence, c'est que je ne peux absolument pas tirer
un trait et me dire, ou dire à d'autres, que je fonctionnais d'une certaine
façon avant et que je fonctionne d'une autre maintenant. Je ne peux pas
fixer de frontière. J'utilise toujours cette comparaison rudimentaire
: après le lavage et avant le lavage. Je n'ai aucun moyen de savoir comment
je fonctionnais. Mais en fait, je vous le dis, il ne s'opère en moi aucune
modification ; sauf le désir, voyez-vous, je voulais être quelque chose
de différent de ce que je pensais être. C'est la seule chose qui ne soit
plus là. Et, autre chose, il m'est impossible de créer une image en moi
de ce à quoi vous ressemblez. Si je me tourne vers le mur, m'éloignant
ainsi de vous, cette caméra [il pointe son doigt vers ses yeux] se focalise
sur le mur, et je ne peux absolument pas créer une image de ce à quoi
vous ressemblez. Impossible. Et si je me tourne à nouveau de ce côté et
que je vous regarde, je n'ai pas besoin d'interpréter et de me dire que
: " Ceci est vous et vous portez des blue-jeans ". Je ne me dis jamais
tout ceci, car ça ne m'est pas nécessaire en ce moment.
Je ne peux absolument pas créer ne serait-ce qu'une seule image. Bien
que je connaisse Paul depuis trente ans, je ne me souviens pas de ce à
quoi il ressemble, mais lorsqu'il se trouve ici devant moi, l'ordinateur
projette l'image et le reconnaît, mais jamais il ne se dit que ceci est
Paul. Ce n'est pas parce que je ne le sais pas. La base de données, la
base de mémoire n'est pas du tout influencée par l'interprète, ou par
celui qui fait ressortir ce qu'il est nécessaire de savoir. Dans ce sens,
je ne peux pas créer d'image de quoi que ce soit, de ce à quoi ceci ressemble.
Ça m'est impossible.
L'attention totale n'existe pas du tout. Ce n'est tout simplement pas
possible. Par exemple : Quand vous observez ce rideau s'agiter dans le
vent, c'est là la seule chose qui requiert votre attention. Je ne m'explique
jamais à moi-même ce que les yeux observent et je ne peux en aucune façon
me séparer de ce qui est là. Je ne peux me distinguer de ce qu'observent
mes yeux que si le besoin s'en présente. Ce besoin ne proviendra que si
quelqu'un me demande quelque chose. Comprenez-vous ? Donc mes actions
ne s'initient jamais d'elles-mêmes. Jamais. Ainsi, au moment où la pensée
surgit, l'action est terminée. La séparation ne se produit que lorsque
la connaissance survient et me dit : " Ceci est un rideau blanc. " Voyez-vous,
autrement, quel besoin aurais-je de me dire cela ? Mais, la raison pour
laquelle nous le faisons est très simple. C'est parce qu'il nous faut
maintenir la continuité de notre savoir. C'est la seule raison. Par exemple,
vous direz : " Ceci est blanc et cela est bleu, vous êtes ceci et cela..."
et vous continuez ainsi à n'en plus finir. Ce besoin est la seule chose
qui agit ; ce n'est pas le " je ", ni le Soi, ni l'Atman. Il n'y a rien
ici, en dehors du besoin de maintenir la continuité du savoir que vous
avez des choses alentour et des choses ici [se désignant].
Ces temps-ci, je ne fais que parler de la façon dont les sens fonctionnent.
Ce corps est né avec une intelligence extraordinaire, une intelligence
qui n'a pas son pareil. Toutes les connaissances que vous possédez ne
pourront jamais égaler cette intelligence. Vous ne le pouvez pas. Donc
tout ce que vous pensez être bon pour ce corps ; quelles que soient les
idées que vous lui imposez, il rejette tout. C'est pour cela qu'il n'a
pas besoin de savoir quoi que ce soit, et il n'a pas besoin d'avoir quoi
que ce soit de plus. Et ceci, est valable pour toutes les régions de notre
existence. C'est donc pour cette raison que je me détourne de toute la
technologie médicale. Je n'ai jamais consulté de docteur. Je ne mange
rien de ce que tout le monde recommande. Et je dis, de façon catégorique,
que les docteur des temps modernes sont les sorcières d'aujourd'hui ;
et qu'en ce qui me concerne, la technologie médicale contemporaine est
la sorcellerie des temps modernes. Tout ce qu'ils préconisent comme étant
bon pour le corps, je n'y touche pas. Désignant la table : je consomme
ces flocons d'avoine là. C'est ma dernière trouvaille ; cela s'appelle
" super rapide ". Vous ne le trouverez qu'à Londres. J'en mange un petit
bol auquel j'ajoute de la crème " double-riche ", " triple-riche
", " quadruple-riche " avec un tout petit peu de jus d'ananas congelé
que je ne trouve qu'en Chine. C'est pour cela que je me rends dans ce
pays où il y a des supermarchés internationaux. Sinon, je ne consomme
ni jus de fruits, ni légumes, rien. Ce corps, voyez-vous, a besoin d'énergie,
d'unités thermiques de base. C'est comme ça que je l'expliquerais [en
riant]. Ainsi, ce bol de flocons avec beaucoup de crème fournit au corps
l'énergie dont il a besoin. Je n'effectue aucune promenade à pieds ni
aucun autre exercice physique ne m'est nécessaire. Je suis en vie depuis
80 ans. Donc, rien de ce que nous considérons être bon pour le corps ne
lui est concrètement bénéfique.
En fait, ce que je souligne sans cesse, c'est la façon dont le corps fonctionne
une fois libéré de l'étranglement de la culture. Je ne fais que décrire
cela. Vous ne pouvez aucunement contrôler le fonctionnement de ce corps.
Vous n'y pouvez strictement rien. Le corps n'a en réalité pas besoin de
tout ce que nous lui faisons absorber. Ce n'est qu'un mouvement vers le
plaisir. Nous mangeons pour le plaisir. C'est un fait.
Question : Existe-t-il une telle chose que la Réalité ?
U.G. : Non, cela même si les scientifiques essayent d'affirmer
qu'ils connaissent mieux la Réalité que tous les maîtres spirituels et
tous les mathématiciens du monde. Vous ne pouvez aucunement faire l'expérience
de la Réalité de quoi que ce soit. Je maintiens et j'affirme avec toute
la force que je peux rassembler que ce que vous ne connaissez pas ne peut
être expérimenté. Ce que vous ne connaissez pas est un concept, vous voyez
?
Question : Des gens utilisent le terme " pure subjectivité " afin
de décrire la Réalité.
U.G. : Les philosophes ont parlé de " perception pure ". Il ne
peut y avoir de perception, sans parler de perception pure, dénuée de
celui qui perçoit. Tout ceux-ci sont des jeux que nous jouons avec nous-même
et avec les autres. Il ne peut pas y avoir de perception sans celui qui
perçoit. Et, pourquoi parler de perception pure ? Je ne comprends pas.
Les Hindous ont également traité le problème de cette façon. Un disciple
dit à un autre : " Mon gourou a atteint l'état de Turiya ; l'état le plus
élevé. " D'après-moi, l'état de Turiya correspond à la maladie d'Alzheimer.
Voyez-vous, dans cet état ils n'ont aucun problème ; ils ne reconnaissent
rien et ne font aucune expérience de quoi que ce soit. Valentine avait
cette maladie. Elle touchait tout afin d'établir une relation avec les
objets qui l'entouraient. Le sens du toucher est l'activité sensorielle
la plus importante. Les enfants commencent par lui et les quatre autres
viennent ensuite.
C'est aussi pour cette raison que les gens qui pensent sans cesse sont
quasiment aveugles ; ils n'ont jamais regardé quoi que ce soit de toute
leur vie. Par exemple, ce jeune homme ici, ne l'a jamais regardée, ni
elle lui [désignant le couple assis en face de lui dans la pièce], parce
qu'il ne la regarde qu'à travers ce qu'il sait d'elle, et elle de lui.
Vous projetez votre savoir sur l'autre personne, mais en réalité l'œil
physique ne peut en aucun cas regarder quoi que ce soit. Il vous faut
avoir une connaissance de ce que vous observez. Nous projetons cette connaissance
sur ce que nous regardons. Il en va de même pour la Réalité dont ils parlent
; c'est quelque chose dont il est impossible de faire l'expérience et
qui ne peut pas plus être connue, à moins d'utiliser la connaissance que
l'on a de la Réalité des choses ; même si c'est un scientifique ou un
religieux qui parle de Réalité ou de perception pure. D'abord, il ne peut
y avoir de perception, encore moins de perception pure. Donc tout cela
ne sont que théories, voyez-vous ?
Prenez les gens qui parlent de Dieu. Toutes les théologies qui nous accablent
: l'ontologie, le théologique, les preuves cosmogoniques de l'existence
de Dieu. Oh ! Mon Dieu, pourquoi nous cassons-nous la tête avec tout ce
savoir ? C'est pour avoir plus de connaissances que vous et afin de me
sentir supérieur. J'aurai de cette façon une supériorité verbale. Shakespeare
n'avait à sa disposition que quatre mille mots de vocabulaire en mémoire
[en riant]. Et, aujourd'hui combien de millions en avons-nous ?
Question : Qu'est-ce que
l'éveil exactement ?
U.G. : Il n'existe rien de tel que l'éveil, parce que je ne peux
jamais me dire que : "Je suis éveillé".
Question : Alors que vous est-il arrivé quand vous aviez 49 ans
?
U.G. : Il n'y a pas de différence entre les états de veille, de
rêve et de sommeil. Il n'y a aucune différence. Je ne suis jamais en train
de me dire : " Je suis réveillé " jamais parce que je ne me dis pas plus
: " Il fait jour dehors " ou " Il fait nuit noire ". Si vous me posez
la question de savoir si je suis réveillé, alors j'utilise le savoir que
j'ai reçu au sujet de la façon dont un homme réveillé fonctionne. Je ne
fais jamais de rêves. Il ne m'est pas nécessaire de rêver et je ne dors
jamais huit heures d'affilée. Je suis comme un chat, je fais des petits
sommes. Je m'endors à dix heures, et me réveille dix minutes plus tard.
Et, à nouveau, vers onze heures je peux me rendormir un peu. Je ne peux
donc absolument pas dire : " Je suis endormi ou réveillé, ou en train
de rêver ". Aucun rêve ne m'apparaît. S'il vous est impossible de créer
une image quand vous êtes réveillé, il ne vous est pas plus possible d'en
créer pendant que vous dormez. C'est impossible. Quelqu'un pourra remarquer
que je suis endormi et même que je suis en train de ronfler, mais je ne
peux en aucune façon dire cela de moi-même.
On ne peut se faire remarquer à soi-même que l'on est endormi. Ce n'est
qu'au moment du réveil que vous faites la relation entre le soi-disant
état de veille et l'état qui le précédait : votre sommeil, et vous ajoutez
que vous vous sentez bien parce que vous avez bien dormi. Vous attribuez
cela au fait de bien dormir. Vous avez mal dormi, votre nuit a été agitée
- d'après ce que vous m'avez dit au sujet de la nuit dernière. Vous avez
mal dormi. Cela en référence à l'état dans lequel vous pensez être en
ce moment présent, sinon vous ne pourriez rien dire au sujet de votre
sommeil : s'il a été léger, profond, agité ou rempli de rêves. En ce qui
me concerne, le problème ne se pose pas, puisque je ne sais pas que je
suis réveillé. Les sens fonctionnent de façon immédiate et à leur capacité
maximum en permanence ; puis, il ralentissent très progressivement, car
il doit se régénérer souvent. Vos yeux s'ouvrent peut-être, mais vous
ne voyez rien de ce qui vous entoure pendant une fraction de seconde.
Vous ne voyez rien, vous n'écoutez rien. Ainsi, il doit ralentir, et une
fois qu'il s'arrête [U.G. claque du doigt], si vous regardez des objets,
il vous est impossible de voir, car vous ne regardez rien du tout. Si
vous dites : " C'est lumineux ", alors vous n'êtes pas en train de regarder,
mais vous ne faites que projeter votre connaissance, et de me dire : "
Il fait jour et soleil ". Sans elle, l'œil physique ne traduit jamais
ce qu'il voit en tant que : " soleil vif " ou " nuit noire ". Si vous
me consultiez, je confirmerais. Quand la lumière est trop vive, vous pouvez
fermer les yeux et vous tourner dans une autre direction. Vous n'êtes
pas cela. C'est automatique, il possède une intelligence formidable quant
à sa propre protection. Il sait comment se protéger et comment survivre.
Donc, concernant le fonctionnement de ce corps, vous n'avez aucun rôle
à jouer. Alors, voyez-vous, l'intelligence présente ici prend le dessus
et prend soin d'elle-même.
Concernant tout cela, il y a quelque chose d'étrange. La chose qui s'est
passée, si je peux dire que cela s'est passé [je ne sais même pas si quoi
que ce soit s'est passé] c'est que l'on n'interprète absolument pas ce
qui est là, jamais. Le traducteur est absent, complètement absent. Et
en même temps que le traducteur, la sélectivité a également disparu. On
ne fait plus de division : bien et mal, bon et mauvais. Ce n'est pas que
je sois supérieur ou inférieur. On n'est plus aux prises avec le bien
et le mal, le juste et l'injuste. Si par exemple, pour une raison ou une
autre, vous trouvez que ma conduite est antisociale, quelle que soit la
punition que vous me fassiez subir, je la prends - sans question aucune.
Je n'ai aucun droit. Et comme je n'ai aucun droit, je n'ai pas de devoir
non plus. Ainsi, la censure est également absente.
Une chose que je dois souligner, c'est que vous ne serez jamais libre
de votre conditionnement. Jamais. Peu importe qui dit quoi, il n'existe
pas de mental libre de conditionnement. Il n'existe rien de tel que l'expérience
d'un mental non conditionné. Pourquoi en parlent-ils ? Vous voyez, quand
je vais au supermarché, ce que j'aime le plus c'est le " yaourt à la crème
de café ". Je ne le trouve qu'en Suisse. Quand je commence à manger, il
n'y a aucun contrôle. Un autre exemple, Valentine a dû me cacher un kilo
d'amandes, comme on l'aurait fait pour un enfant, car quand j'avais commencé
à les grignoter, il y en avait encore deux kilos. Elle m'avait dit : "
Mais que se passe-t-il ? Il n'a aucun contrôle de lui-même ! " [U.G. rit]
Je ne blague pas, je n'ai aucun contrôle. Je ne peux m'arrêter de les
manger, et, une fois retirées de ma vue, je ne me souviens plus du goût
des amandes. Donc, il n'existe pas de mental qui ne soit pas conditionné.
Le mental est lui-même conditionnement. Le mental lui-même est ce qui
reconditionne, et il se conditionne de façons diverses dans le but de
survivre, voyez-vous ?
Question : Vous dites ne pas avoir d'images dans l'esprit.
U.G. : Non.
Question : Maintenant avez-vous quelque pensée ou concept ?
U.G. : Non.
Question : Cela pour dire : Pensez-vous à ce que vous allez faire
le mois prochain : acheter un billet d'avion, obtenir un visa?
U.G. : Uniquement pour des raisons pratiques. Si je n'obtiens pas
de réservation dans un avion, je dois bien avertir quelqu'un de mon arrivée
à une date ultérieure, mais je ne suis jamais déçu ni quoi que ce soit.
Question : Donc, quand vous n'avez aucun projet à l'esprit dans
le but d'une planification pratique, vous n'avez rien en tête ?
U.G. : Non, rien. Ma façon de fonctionner c'est que je suis toujours
occupé avec ce qui se passe en ce moment et il n'y a aucune place pour
quelque préoccupation que ce soit. Vous vous préoccupez des choses qui
ne sont pas en train de se dérouler ici. S'il y a une différence, c'est
peut-être la seule. Les gens s'imaginent que je vis dans un vide où il
ne se passe rien. Comment y-aurait-il quelqu'un dans un tel état ? Il
est rempli de ce qui se passe en ce moment. Vous savez, il est impossible
d'y ajouter quoi que ce soit ou de s'en éloigner. Donc, je suis entièrement
occupé par ce qui se déroule et je pourrais sortir d'ici, m'asseoir
dans la rue devant l'hôtel et y demeurer pendant vingt-quatre heures à
observer comment les gens déambulent. Vous serez surpris de voir que pas
même deux personnes marchent exactement de la même façon. C'est assez
extraordinaire, toutes marchent différemment. Il n'y a pas deux visages
semblables. Lorsque j'étais élève en botanique, j'étudiais les feuilles
sous un microscope. Pas une feuille ne ressemble à une autre. Peut-être
diriez-vous que les jumeaux se ressemblent ; leurs mouvements, la
façon dont ils marchent. C'est assez extraordinaire de voir comment ils
marchent. Essayez cela vous-même la prochaine fois : dans la rue,
pas deux personnes marchent exactement de la même manière. Les mouvements
sont différents, tout est différent. Donc, ça m'occupe entièrement, vous
voyez. Ainsi, mon attention est toute captivée, elle est remplie de ce
qui se passe. Alors n'allez pas imaginer que cette personne vit dans un
état sans pensée. Je connais beaucoup de gens qui sont venus me voir et
m'ont dit : " J'ai fait telle expérience dans mon état sans pensée. "
Mais, nom-de-Dieu, comment faites-vous pour savoir que vous êtes dans
un état sans penser ? La pensée était bel et bien présente.
Question : Donc, peut-on dire qu'en fait, nous vivons en fonction
de la connaissance que nous avons des choses ?
U.G. : Nous sommes la connaissance.
Question : Mais vous ne vivez pas d'après ce que vous savez des
choses ?
U.G. : Non, il n'y a aucune continuité de la connaissance, car
cette continuité de connaissance n'est pas nécessaire. Ce qui est ici
est tout ce qu'il y a. C'est simple, c'est la conscience. Je ne deviens
conscient du fait que vous êtes un homme et non une femme que lorsque
j'utilise la connaissance que je possède ; sinon, de quelle conscience
sont-ils en train de parler ? Rien. De nos jours, même les scientifiques
se mettent à parler de la conscience. Mais ils sont en train d'atteindre
ce qui est le plus indésirable pour la science, ils arrivent à leur limite.
Il leur faut trouver les réponses dans le cadre de la science. Ils ne
peuvent pas se permettre de se tourner vers le Vedanta ou vers la religion,
car cela détruirait tout, complètement, vous voyez ? C'est pour ça que
je dis que la pensée scientifique est tout autant une aberration que la
pensée religieuse de l'homme. Nous sommes admiratifs devant la science
en raison de ce qu'elle nous a donné, la haute technologie et tout le
reste. Donc, la pensée est un fasciste de naissance, dans son contenu
et dans son expression. Elle ne s'intéresse qu'à sa propre survie. Elle
ne fait rien d'autre.
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